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Armand Vanlerberghe, vous êtes un copywriter expérimenté, avec une réputation d’expertise dans le marketing digital. Comment votre parcours vous a-t-il conduit vers le copywriting en freelance ?
Je suis issu d’une famille de publicitaires. Je n’avais pas la vocation d’être copywriter, mais comme j’ai toujours aimé écrire, le mélange s’est fait naturellement. Mon parcours professionnel a commencé lorsque je me suis engagé dans la promotion d’une association d’entrepreneurs dans les quartiers prioritaires de Lille. J’ai tout appris sur le tas, en faisant des erreurs et en croyant à l’importance de ma mission. En parallèle, je publiais des articles sur les réseaux sociaux. De bouche à oreille dans le milieu associatif et politique, ma petite réputation est parvenue à des candidats politiques qui m’ont sollicité. Pendant plusieurs années, j’ai conseillé des élus locaux et nationaux sur la meilleure manière de susciter l’engagement avec des mots.
En 2020, je me suis lancé en tant que copywriter indépendant. Cela semblait être la suite logique de mon parcours. J’avais fait mon temps en politique et le monde de l’entreprise me manquait. Aujourd’hui, je continue sur cette voie avec un peu plus d’expérience et toujours la même volonté de satisfaire mes clients.
Selon vous, quelles sont les compétences nécessaires pour exercer ce métier ?
D’abord, il faut une bonne capacité d’analyse et d’adaptation pour se familiariser rapidement avec l’univers de son client et lui faire des propositions pertinentes. Loin d’être un « chevalier solitaire », un copywriter freelance doit être capable de s’intégrer dans n’importe quelle équipe, de s’adapter au fonctionnement de l’entreprise et de partager son point de vue avec franchise et humilité. Chaque mission est unique, on ne peut pas suivre la même méthode à chaque fois et il faut être capable de passer de l’une à l’autre sans se mélanger les pinceaux.
Ensuite, il faut se tenir au courant de l’actualité, s’intéresser aux opinions communes et comprendre les émotions des autres. Il faut donc une bonne dose d’intelligence émotionnelle pour comprendre le contexte dans lequel on évolue, et un esprit de synthèse pour simplifier les problématiques et les opportunités qui se présentent. C’est un métier profondément humain dans lequel il faut faire preuve d’assurance, d’empathie et de réflexion.
Comment utilisez-vous le storytelling pour créer des liens émotionnels et laisser une impression durable ?
La clé d’un bon storytelling, c’est l’engagement. C’est aussi la règle d’or en politique : pour susciter l’engagement, engagez-vous. Les gens se définissent à travers les causes pour lesquelles ils s’engagent. Selon moi, une bonne histoire doit répondre à un seul critère, qui est de faire dire « moi aussi » à celui qui l’écoute. Pour ça il n’y a pas de miracle, pas de méthode, pas de technique, il faut connaître son audience sur le bout des doigts, être à la pointe de l’actualité sur le sujet qui les anime et ressentir leurs frustrations et leurs espoirs.
Il n’y a cependant pas de “formule magique”, je tiens à le dire. Aucune méthode ne peut suffire à résumer l’art du storytelling, car tout dépend de l’audience et de l’objectif. La seule chose qui qui fait le succès d’une campagne de copywriting, c’est sa pertinence. Le storytelling est une technique de marketing comme une autre, avec ses forces et ses faiblesses. Si elle n’est pas utilisée de façon pertinente, c’est-à-dire hors de contexte ou sur la mauvaise audience, c’est l’échec assuré peu importe la qualité de l’histoire. Un bon copywriter peut faire une bonne histoire avec n’importe quoi, mais attention à ne pas tomber dans le “bullshit”. Le “bullshit”, c’est quand une marque se laisse dominer par l’indécision et s’exprime sans rien dire d’elle juste parce que “ça rend bien”. Pour un copywriter, le danger est la tentation de privilégier la création à la performance, c’est-à-dire de s’intéresser davantage à l’élégance de ses productions plutôt qu’à leur efficacité d’un point de vue marketing. L’un et l’autre ne sont évidemment pas incompatibles, mais la priorité du copywriter est moins d’écrire de belles histoires que de toucher son audience.
La digitalisation et les réseaux sociaux ont remodelé les interactions entre marques et consommateurs. Au cours des dernières années, comment avez-vous observé le rôle du copywriter évoluer ?
Il y a 30 ans, le métier de « rédacteur publicitaire » se résumait plus ou moins aux affiches, aux magazines et aux spots TV ou radio. Aujourd’hui, on attend des marques qu’elles expriment leur personnalité à travers des interactions directes avec leur communauté, qu’elles réagissent à l’actualité et qu’elles contribuent à la société. Le ton des messages publicitaires a clairement changé en 30 ans. Il est passé de “Vous voulez” à “Nous croyons”. La présence des entreprises sur les réseaux sociaux renforce ce phénomène, puisque les marques s’expriment désormais quotidiennement sur les mêmes plateformes que les consommateurs.
Dans le même temps, les “best practices” en SEO ont poussé le style rédactionnel publicitaire dans la direction opposée : on fait des phrases plus courtes, on répète les mots importants… Pas exactement la sophistication syntaxique qu’on pouvait attendre de ces nouvelles interactions. On pourrait donc penser que le copywriter d’aujourd’hui n’est pas si différent du rédacteur publicitaire d’hier, mais le marché tout entier a changé avec la digitalisation et la mondialisation. Le consommateur peut comparer des milliers d’offres et interagir directement avec les marques. Dans un tel marché, les entreprises se démarquent les unes des autres à travers leurs engagements. Or, lorsque chaque entreprise est engagée, le consommateur devient un actionnaire. Il ne dépense plus son argent, il l’investit dans les entreprises qui partagent ses valeurs. Dans ce système, les copywriters ont un rôle inédit à jouer.
Cela dit, toutes les entreprises ne sont pas au même niveau de digitalisation. Aujourd’hui encore, un quart des entreprises n’ont aucune présence en ligne. Il serait donc faux de supposer que le copywriter se cantonne au marketing digital.
Certaines entreprises se sont laissées séduire par les prouesses de l’IA pour la génération de contenus. Selon vous, l’IA est-elle une menace pour le métier de copywriter ?
L’irruption de l’IA dans la vie quotidienne inquiète beaucoup de monde. Je pèse mes mots, car c’est bien la place que l’IA prend dans la société qui inquiète, et pas l’IA elle-même qui suscite plutôt l’admiration du public. Les copywriters en particulier peuvent s’émerveiller devant les prouesses de ChatGPT et craindre en même temps que cet outil les remplace sur le marché du travail. Cependant, dans l’état actuel des choses, je suis convaincu que ChatGPT n’est pas une menace pour nous, car malgré ses prouesses techniques, ce logiciel n’est simplement pas conçu pour occuper la place du copywriter en entreprise. Au contraire, c’est une opportunité pour les copywriters de valoriser leur expertise auprès des entreprises.
Cela dit, les entreprises qui ont besoin de contenu générique auraient tort de ne pas se servir de l’IA générative. Le rendu n’est ni parfait ni original (on peut obtenir des résultats similaires en entrant les mêmes consignes), mais ça fait l’affaire pour beaucoup de monde. En revanche, pour les entreprises qui ont réellement besoin d’un copywriter, c’est-à-dire d’un être humain sensible au contexte dans lequel il évolue, capable de raisonner comme les personnes qu’il souhaite toucher, et riche d’une personnalité, d’un caractère et d’une expérience uniques, alors la question ne se pose même pas. En tant que copywriter, je ne me considère pas comme un générateur de contenu. Je n’ai donc pas à craindre que ChatGPT me remplace auprès des entreprises qui m’ont embauché ou qui sont susceptibles de m’embaucher.
L’IA est en constant développement et semble progresser de jour en jour. Comment les copywriters peuvent-ils faire face à des IA de plus en plus performantes ?
On peut effectivement imaginer que ChatGPT progressera au point de produire du contenu de qualité équivalente voire supérieure aux productions humaines. Même si ce n’est pas pour cette décennie, les copywriters devront éventuellement repenser leur rôle en entreprise et se positionner en professionnels de l’analyse textuelle plutôt qu’en professionnels de la formulation. Les entreprises ont elles aussi une mauvaise compréhension du rôle des copywriters, qui sont souvent perçus comme des “formulateurs” plutôt que comme des experts en marketing. Si ChatGPT fera un excellent formulateur à l’avenir, il ne pourra jamais remplacer un expert en marketing capable d’ancrer ses productions dans un contexte aussi vaste et variable que celui des consommateurs humains.
Pour finir, quelles sont vos sources d’inspiration pour proposer des idées toujours pertinentes ?
Tout le monde fonctionne différemment, mais pour ma part je ne peux malheureusement pas attendre que l’inspiration me tombe dessus pour travailler. Dans le monde de l’entreprise, il faut être performant tous les jours et l’inspiration est trop imprévisible pour me servir de moteur. Je suis plus productif quand j’aborde chaque mission comme un objectif à atteindre plutôt que comme un défi créatif. Quand je me sens bloqué, j’essaye de me nourrir de mon environnement, de ne rejeter aucune idée, et de me concentrer sur mon objectif.
De manière générale, on peut tout de même éviter de se retrouver “à sec” en restant au fait de l’actualité et en aimant chaque sujet sur lequel on est amené à travailler. J’ai eu la chance de travailler avec des clients très variés, et chaque fois je me suis pris de passion pour leur activité. Quand on travaille sur un sujet qu’on aime et qu’on étudie soi-même dans son temps libre, on est rarement à court d’idées.