Nous vous proposons cette excellente contribution de Les Échos
Un vent nouveau souffle sur le secteur américain de la publicité en ligne et y redessine les équilibres concurrentiels. Pour la première fois depuis 2014, la part de marché cumulée de Google et Meta (Facebook) – les deux leaders sur ce pan de l’industrie publicitaire pesant plus de 200 milliards de dollars outre-Atlantique -, est repassée sous le seuil symbolique des 50 % cette année, selon le groupe de recherche Insider Intelligence.
Dans le détail, celle-ci s’est s’élevée à 48,4 % (28,8 % pour Google et 19,6 % pour Meta) contre 50,9 % en 2021. Un niveau très éloigné du record de 2017 à 54,7 % de part de marché cumulée sur le marché américain de la publicité numérique (34,7 % pour Google et 20 % pour Meta). Et le recul devrait considérablement s’accentuer encore d’après Insider Intelligence puisque l’institut prédit que l’actuel duopole verra son poids cumulé se réduire à 43.9 % dès 2024.
Pour se justifier auprès des marchés financiers, les deux géants de la tech en délicatesse mettent leurs difficultés sur le dos de la baisse des dépenses publicitaires des annonceurs , dues au contexte économique géopolitique et énergétique. Sauf que cet état de fait vaut pour tous les acteurs de la publicité numérique et n’explique en rien la lourde perte de part de marché de Meta et Google, au bénéfice de concurrents directs.
Le double rôle d’Apple
La principale cause de cette double chute tient en trois lettres : « ATT » (App Tracking Transparency). Mis en place par Apple, ce mécanisme force les éditeurs d’applications à recueillir le consentement des utilisateurs afin de pouvoir collecter et partager leurs données avec des tiers. Ce qui a considérablement réduit la capacité de Meta à cibler finement les annonces sur ses applications (Instagram, Facebook), mais aussi à mesurer l’efficacité des campagnes.
Plus épargné par le mécanisme, Google en pâtit cependant aussi. Lors du dernier trimestre, sa pépite YouTube a vu ses revenus décliner, sur un an, pour la première fois. En parallèle de ce phénomène, Meta et Google voient aussi des rivaux monter grandement en puissance. Dont un certain… Apple. Ces dernières années, la firme à la pomme n’a cessé d’étoffer son arsenal publicitaire. Avec succès.
Alors que l’analyste Toni Sacconaghi, chez Bernstein, estimait les revenus publicitaires mondiaux d’Apple à 300 millions de dollars en 2017, ils auraient grimpé à près de 7 milliards cette année, selon Insider Intelligence. Si son niveau d’activité demeure encore très loin du chiffre d’affaires publicitaire mondial d’un Google (210 milliards en 2021) ou d’un Facebook (115 milliards), Apple grignote déjà des parts de marché à ces derniers.
L’essor d’Amazon
Dans le peloton des firmes tentant de rattraper le duo de tête, c’est Amazon qui se détache nettement des autres. Entre octobre et la fin de l’année, le groupe va pour la première fois franchir le cap des 10 milliards de dollars de revenus publicitaires trimestriels, dont la majorité est générée sur le sol américain. Résultat, la firme devrait atteindre 12.7 % de part du marché publicitaire aux Etats-Unis en 2024, contre 17.9 % pour Meta et 26 % pour Google.
Le géant de Seattle surfe sur la vague montante du « retail media » – soit les produits publicitaires sur les sites marchands des grands commerçants ainsi que la monétisation des données clients -, un genre dont il est le précurseur et qui est devenu un pan majeur du marché publicitaire numérique .
Un autre rival a aussi émergé très rapidement ces dernières années, au point d’être devenu le péril jeune de Meta dans le domaine du « social » : TikTok . Cette plateforme de vidéo courtes musicales devrait générer 8,6 milliards de dollars de revenus publicitaires sur le marché américain en 2024, selon Insider Intelligence. Ce qui la ferait alors intégrer le top 5 du secteur publicitaire digital américain derrière Microsoft, Amazon, et les deux leaders Meta et Google. Plus vacillants que jamais sur leurs trônes.