Nous vous proposons cette excellente contribution de Challenges
Finie la mode de l’anonymat. Sur Facebook et Instagram, un utilisateur peut désormais prouver son identité à condition de débourser 11,99 dollars par mois. Le patron de Meta Mark Zuckerberg a annoncé le 19 février le lancement de cette offre payante qui permettra à quelques privilégiés d’accéder à un compte « certifié ».
Payer pour être soi ? Les réseaux sociaux s’étaient toujours interdits de franchir cette ligne. « Nous voyons cela comme un mouvement à l’échelle de toute l’industrie, se défend le directeur d’Instagram, Adam Mosseri, dans une vidéo publiée sur la plateforme. YouTube l’a fait, tout comme Twitter, Discord, Reddit… » Cet abonnement sera d’abord testé en Australie et en Nouvelle-Zélande.
Dans un communiqué publié sur son blog, Meta se justifie. La formule s’adresse en priorité aux « créateurs » de contenus professionnels, qui ont besoin de prouver « l’authenticité » de leurs publications et d’acheter « plus de visibilité » sur les réseaux sociaux. Ces abonnés auront également accès à un meilleur service client, ajoute le groupe.
📣 Meta Verified 📣
Meta Verified is a new subscription bundle that includes account verification with impersonation protections and access to increased visibility and support.
More info here 👇🏼 pic.twitter.com/7Wqqn87rKu
— Adam Mosseri (@mosseri) February 21, 2023
Contrôle d’identité
La tendance est plus générale. Mark Zuckerberg n’est pas le seul à vouloir changer les règles de l’authentification en ligne. Depuis le mois de novembre, Elon Musk se bat pour faire payer les utilisateurs de Twitter. Depuis qu’il a racheté la plateforme, le milliardaire a mis en place un badge numérique qui permet de prouver son identité et de booster son audience pour 8 dollars par mois. Or le service peine à convaincre. D’après le média The Information, seules 290.000 personnes auraient souscrit à l’offre Twitter Blue.
Ce changement de modèle intervient à un moment de crise pour les réseaux sociaux. En perte de vitesse, les revenus publicitaires des grandes plateformes ont marqué le pas l’an dernier. Les annonceurs ne mettent plus autant d’argent sur Twitter et se réfugient chez d’autres éditeurs. Même constat pour Facebook et Instagram, qui sont rattrapés par TikTok.
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Par ailleurs, ces plateformes ne maîtrisent pas toujours les publications des utilisateurs. Pris en défaut par les autorités pour leur manque de contrôle, Meta et Twitter sont régulièrement accusés de laisser prospérer les faux comptes. Désinformation, harcèlement en ligne, contenus sensibles… La semaine dernière, le statut d’hébergeur a été remis en question à la Cour suprême américaine, qui examine le dispositif législatif, vieux d’un quart de siècle, protégeant les réseaux sociaux de poursuites lorsque des contenus dangereux y sont publiés.
Meta et Twitter pensent pouvoir retourner le problème en facturant à leurs utilisateurs la vérification de leur identité. Une manœuvre tactique, mais peu convaincante. « C’est aux plateformes de garantir la qualité des informations publiées », s’indigne Serge Abiteboul, chercheur à l’Inria et membre du collège de l’Arcep.
L’entrée en vigueur prochaine du Digital Services Act (DSA) en Europe ne fait que réaffirmer ce principe. A partir de l’an prochain, le texte devrait obliger les réseaux sociaux à mieux protéger les mineurs en ligne et lutter contre la désinformation. « Il n’y a pas de raison que ces plateformes fassent payer les utilisateurs pour répondre à leurs obligations », résume Serge Abiteboul.
Montrer son visage ?
La plupart des réseaux sociaux incitent déjà leurs utilisateurs à valider leur compte avec un numéro de téléphone. Or il est tout à fait possible d’usurper un numéro pour obtenir un code d’accès, comme l’ont prouvé plusieurs chercheurs en cybersécurité. C’est, d’ailleurs, la raison pour laquelle Elon Musk veut obliger ses utilisateurs à valider leur compte autrement.
En réponse à cette fraude, Facebook a développé des algorithmes qui détectent les profils suspects. Depuis deux ans, Facebook y a consacré des moyens importants, dont la création d’un algorithme de haute performance, Deep Entity Classification (DEC), qui apprend à repérer les spams sans intervention humaine et à bloquer leurs tentatives de connexion.
Mais le groupe veut aller plus loin, quitte à réclamer un document officiel. « Il n’est pas interdit à une plateforme de réclamer une carte d’identité », rappelle Elsa Rodrigues, avocate associée au cabinet Lerins. Cette demande doit être justifiée. Un élément qui risque de poser problème en Europe, où s’applique le règlement sur la protection des données (RGPD). En atteste le combat du gouvernement pour contrôler l’âge sur les sites pornographiques.
Montrer son visage ou une empreinte pour se connecter sur Facebook ? Ce n’est pas encore pour demain. « Les données biométriques sont considérées comme sensibles par le RGPD », rappelle Elsa Rodrigues. Même si ces solutions existent déjà sur certaines applications, les réseaux sociaux ne sont pas soumis aux mêmes règles que les banques ou les fintechs pour le moment.
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