Comment le retail media donne-t-il un nouveau visage à la publicité

Nous vous proposons cette excellente contribution de Siècle Digital

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En ligne, les internautes sont exposés à une quantité importante de publicités, et ce, peu importe leur activité : shopping, écoute d’un podcast, recherche… Cependant, elles sont parfois jugées trop intrusives ou trop peu pertinentes. Pour les marques, il est donc indispensable de repenser leur manière de promouvoir leurs produits et leurs offres.

Depuis quelques années, et particulièrement avec la démocratisation de l’e-commerce, certaines d’entre elles optent pour le retail media. Ce concept vise à révolutionner la manière dont les entreprises s’adressent à leurs clients. Il désigne les offres publicitaires proposées sur le site ou l’application des enseignes de distribution ou des marketplaces. Ses avantages sont nombreux, particulièrement en termes de ciblage et d’omnicanalité.

Le marché de l’e-retail media se développe à vitesse grand V. En France, une hausse de 42 % a été observée en 2021 avec près de 640 millions d’euros d’investissement, révèle le 27ᵉ Observatoire de l’e-pub. Cette dynamique devrait se poursuivre au cours des prochains mois.

Pour parler en profondeur de l’avenir du retail media, de ses avantages et de ses inconvénients, Siècle Digital a rencontré Tanguy Le Falher, Head of Retail Partnerships de CitrusAd, branche de Publicis.

Siècle Digital : Nous sommes ensemble pour discuter de retail media. Avant, nous allons parler de vous et de votre entreprise. Publicis Groupe, beaucoup de monde connaît. C’est un grand groupe de communication français qui, en 2021 si mes souvenirs sont bons, a annoncé le rachat de l’éditeur de solutions de Retail Media australien CitrusAd.

Tanguy Le Falher : Tout à fait.

SD : Ma première question va d’abord vous concerner : comment en êtes-vous arriver à être Head of Retail Partnership de CitrusAd ? Quel est votre parcours pour arriver jusqu’ici ?

TLF : J’ai commencé ma carrière côté annonceur, côté industriel chez Unilever, où je m’occupais des investissements média, mais aussi des premiers investissements dans la partie e-commerce. C’était le tout début, donc ça remonte un petit peu. Après ça, le groupe Publicis m’a appelé pour développer une nouvelle entité qui s’appelle Publicis Commerce et qui, depuis, a bien grossi. L’objectif est d’aider ces industriels, ces marques et ces fournisseurs à accroître leurs ventes dans leur business en e-commerce et en e-retail ou auprès de marketplaces. J’ai ainsi aidé à développer Publicis Commerce en France pendant quatre ans. Le rachat de CitrusAd par le groupe Publicis durant l’été 2021 va accélérer un peu les choses. Tout ça n’était pas encore prêt en France et ils avaient besoin de se développer sur le territoire français et donc de fil en aiguille, on m’a proposé de prendre ce poste. J’ai accepté parce que c’était un sujet qui m’intéressait beaucoup, qui était à l’intersection entre les retailers, les agences, les marques évidemment et les industriels. C’était un sujet que je maîtrisais pas mal parce que j’avais aussi pris la tête d’un groupe de travail au sein de la Mobile Marketing Association et, maintenant aussi avec l’IAB France, sur le sujet du retail media. C’est un groupe de travail que j’ai cocréé il y a maintenant trois ans.

SD : Aujourd’hui, en quoi consiste votre travail exactement ?

TLF : Mon premier travail, c’est de pouvoir échanger avec les distributeurs pour leur expliquer les bénéfices de CitrusAd et étudier avec eux comment mettre en place ce type de partenariat pour leur bien, parce que ça permet de générer des revenus additionnels pour leur business.

SD : Maintenant que nous avons un peu parlé de vous, de CitrusAd et de Publicis, nous allons rentrer dans le vif du sujet et parler vraiment de retail media. Ma première question là-dessus sera simple, mais essentielle : pour vous, qu’est-ce que le retail media ?

TLF : C’est un moyen pour réconcilier trois choses. D’un côté, les shoppers, de l’autre les distributeurs et enfin les marques. Le retail media permet aux entreprises de proposer au shopper des produits, des innovations, de les pousser et de mettre en avant leur marque, comme ils le feraient en magasins physiques avec des têtes de gondole et un shop in shop, mais de répliquer ça sur la partie digitale et donc sur les sites des distributeurs. Finalement, c’est un moyen pour les marques d’exposer leurs produits auprès de leurs clients et, pour le distributeur, d’aller générer des revenus grâce à cette mise en œuvre. C’est la façon la plus simple de l’expliquer. En tant que solution, nous aidons un distributeur à monétiser ses inventaires sur son site, sa donnée aussi, et là ça va potentiellement être en dehors de son site. C’est ce qu’on appelle le retail off site ou l’extension d’audience. C’est un moyen pour le distributeur de créer une nouvelle ligne de revenus qui n’est pas liée à de l’achat revente de produits, mais qui est liée à de la vente d’emplacement préférentiel, de position, de bannière ou de shop in shop au sein de son propre site.

SD : Finalement, c’est un peu la transposition de ce qu’on voyait déjà en magasin, par exemple avec les têtes de gondoles dont vous parliez, mais version numérique, avec une nouvelle manne de revenus.

TLF : Exactement. Cette partie numérique est importante parce qu’elle offre toutes les possibilités du digital. Nous allons pouvoir accéder directement à une plateforme pour programmer des campagnes, les lancer et analyser ses résultats en temps réel. C’est ce que permet aussi le numérique, de voir directement l’impact de ses investissements sur les performances. Quand je suis en magasin, savoir finalement si c’est ma tête de gondole qui a rapporté de l’argent ou si ce sont mes produits qui étaient en fin de rayon, ce n’est pas forcément évident à comprendre. Là, nous savons exactement : Est-ce qu’une vente a été réalisée à la suite d’une exposition à un format publicitaire ? Est-ce qu’elle a été accomplie à la suite d’un clic, ou est-ce qu’elle s’est faite sans ce côté publicitaire ? Nous pouvons le mesurer. Donc la mesure, c’est un vrai avantage de la partie digitale.

SD : Le concept est-il assez récent, ou date-t-il quand même d’il y a plusieurs années ?

TLF : Comme nous le disions tout à l’heure, il s’agit d’un système qui existe depuis une dizaine d’années en magasin. Les têtes de gondole, c’est quasiment aux débuts de l’hypermarché que cela a commencé. Il y avait déjà des mises en avant, même en dehors de la grande distribution et de la distribution spécialisée depuis très longtemps. Pour autant, le côté retail media digital est assez récent, car les technologies ne sont finalement pas si vieilles que ça. CitrusAd était un des tout premiers, et pourtant, nous n’avons qu’un peu plus de cinq ans, ce qui n’est pas énorme. Cela s’est vraiment accéléré ces dernières années. Il y a eu plusieurs évolutions technologiques. Il y a aussi de plus en plus de distributeurs qui font le pari du retail media et, encore aujourd’hui, il y en a beaucoup qui nous contactent pour estimer la possibilité de revenus que cela peut représenter pour eux. Il y a à la fois une question du boom de l’e-commerce qui a accéléré les choses, car toujours plus de shoppers vont vers ce type de plateformes pour faire leurs courses, quelles qu’elles soient. Forcément, c’est aussi un avantage que les distributeurs peuvent mettre en avant auprès de leurs fournisseurs et de leurs marques partenaires.

SD : Vous venez justement de parler du boom. Pouvons-nous dire qu’il y a eu un boom du retail media grâce à la pandémie avec, justement, une explosion de l’e-commerce et des nouveaux modes de consommation ?

TLF : Très clairement, en France et à travers le monde, et ce, pour deux raisons. La première, ce sont les shoppers. Nous avons eu plus d’acheteurs français qui ont été sur les sites marchands des enseignes ou sur les marketplaces pour faire leurs achats parce que les magasins étaient fermés ou, avec les mesures sanitaires, étaient plus compliquées. C’est la première raison. Nous avons eu plus d’audiences sur des sites marchands, et donc forcément la possibilité de la monétiser était plus importante. La deuxième, elle est plus liée à la prise de conscience des distributeurs de la possibilité que cela peut représenter. En fait, tant que l’e-commerce ne générait que 5, 7, 10 % de leur chiffre d’affaires, gagner de l’argent grâce à la publicité sur cette partie-là n’était pas forcément le cœur de leur stratégie. Dès que leurs revenus et leur chiffre d’affaires se sont développés sur la partie e-commerce, remplacer les têtes de gondole en magasin par quelque chose en digital ou trouver quelque chose qui soit comparable est devenu essentiel pour à la fois, le chiffre d’affaires, et aussi la marge des distributeurs. Ainsi, il y a ces deux dynamiques-là : la partie shopper et la partie prise de conscience côté retailer qui se sont accélérées avec les différents confinements.

SD : Un grand boom. Sur Siècle Digital, nous avons également beaucoup parlé des nouveaux modes de consommation. Le Retail Media est-il, encore aujourd’hui, réservé à la grande distribution ? J’ai vu que cela venait principalement de ce secteur. Cela se démocratise-t-il dans d’autres industries ou est-ce toujours exclusif à la grande distribution ?

TLF : Non, pas du tout. La grande distribution a été un des secteurs qui y a cru peut-être le plus, et encore, nous peuvons le remettre en question. Pour autant, le premier acteur mondial qui a investi sur la partie retail media de manière massive, c’est évidemment Amazon. En France, il est loin d’être le leader sur la partie grande distribution alimentaire si nous partons de cela. Mais, par exemple, sur toute la partie électronique, l’entreprise est très forte, donc ce n’est pas forcément que la partie alimentaire. Ce qui est intéressant, c’est que depuis maintenant deux ou trois ans, et notamment depuis la crise sanitaire et l’accélération de l’e-commerce, nous voyons de plus en plus de secteurs qui s’intéressent à la partie retail media et qui se lancent dedans. Pour donner quelque chose de concret, avec l’Alliance Digitale, c’est-à-dire la fusion de la Mobile Marketing Association et de l’IAB France, nous avons recensé plus de trente offres de retail media en 2022 et sur différents secteurs. Aujourd’hui, des industries comme le bricolage, le B2B ou encore la parapharmacie se lancent. Ce ne sont pas toujours les plus matures. Pour autant, nous avons des premières enseignes qui déploient leurs programmes de retail media parce qu’elles y voient un intérêt financier.

SD : Finalement, le retail media a encore largement de l’avenir, avec tous ces nouveaux secteurs qui se lancent.

TLF : Oui, tout à fait. Puis, même sur les secteurs les plus importants comme l’électronique et l’alimentaire, il y a encore beaucoup à faire car plusieurs leviers se développent. Par exemple, au sein de CitrusAd, nous avons des leviers de monétisation on site comme les produits sponsorisés, les bannières, les shop in shop, mais aussi les leviers off site. Ce sont des choses qui existaient encore très peu il y a quelque temps. Là, elles sont intégrées au sein de la même plateforme. Tous les distributeurs ne sont aujourd’hui pas en mesure d’offrir une offre retail media qui soit à la fois on site et off site. Sur ces gros secteurs, nous avons donc encore beaucoup de leviers de croissance et de déploiement. Il y a à la fois ce côté développement dit sectoriel, et aussi le développement de leviers au sein de secteurs qui sont déjà assez matures.

SD : J’aimerais qu’on parle d’un autre aspect du retail media qui est la façon dont cela se traduit concrètement, visuellement. J’ai l’impression que beaucoup d’individus, si ce n’est tout le monde, y a déjà été confronté. Comment distinguer ce qui est du retail media de ce qui n’en est pas dans la publicité ? Ou plutôt, qu’existent-ils comme type d’annonces de retail media ?

TLF : Il en existe quelques-unes, je vais les expliquer un peu. Quand nous parlons de produits sponsorisés, la technologie que nous avons permet à une marque de sélectionner des produits qu’elle va mettre en avant dans des résultats de recherche, dans des pages de catégories sur un site marchand. Cela permet de faire remonter certains produits qui seraient peut-être en troisième page ou en bas de page un peu plus haut dans les résultats de recherche. Ils vont être mentionnés comme étant sponsorisés, donc la mention est évidemment dans les mains du distributeur, c’est lui qui peut l’indiquer. Ce sont des tuiles produits comme nous les voyons ailleurs sauf qu’elles sont mises en avant. Ça, c’est le format le plus courant et le plus demandé. Nous avons aussi des formats plus enrichis qui vont intégrer des formats display de bannière qui vont servir à pousser un message de marque. Ils sont toujours intégrés dans des parcours d’achat, et donc toujours pertinents par rapport à la requête du shopper. Pour quelqu’un qui navigue sur un site et cherche un smartphone, nous pouvons mettre en avant la publicité de Samsung ou d’Apple pour leur nouveau téléphone et pour expliquer les bénéfices de son produit.

SD : Dit comme ça, cela me paraît la forme la plus efficace, celle à choisir pour les marques.

TLF : Ça dépend de leurs objectifs. Par exemple, les produits sponsorisés sont des formats où le shopper peut directement ajouter le produit à son panier, ils sont vraiment très accessibles d’un point de vue vente directe. Sur les bannières, il y aura souvent une redirection avant l’ajout au panier. C’est parfois un peu moins lié à la vente directe. Par contre, nous sommes dans un environnement marchand sur lequel nous allons pouvoir pousser notre propre message de marque à un Français qui est en recherche de smartphone. Nous savons que nous touchons la bonne personne au bon moment et donc que nous lui adressons un bon message. Évidemment, c’est quelque chose qui a beaucoup de valeur car nous savons que cette personne-là va sûrement acheter un smartphone dans les prochains jours ou les prochaines semaines, voir dans la prochaine heure. Ce sont donc différents objectifs auxquels nous pouvons répondre avec différents formats. Après, il y a justement des formats plus de considération pour expliquer sa marque, expliquer ses produits, montrer ses différences… Ça, ça peut se faire à travers des pages de marques ou des shop in shop qui vont être beaucoup plus pédagogiques et éditoriaux. Après, il y a aussi la partie off site, cette extension d’audience où la marque va pouvoir utiliser la donnée du distributeur en dehors de son écosystème pour aller toucher une audience précise. Par exemple, si je suis Samsung et que j’ai envie de faire passer un message à des gens qui ont visité des pages de smartphones au cours des deux ou trois derniers mois et que je souhaite mettre en avant une promotion ou une nouveauté, je vais pouvoir créer une campagne digitale de manière assez classique et diffuser mes publicités sur des sites d’éditeurs. Que ce soit Le Monde ou tout autre éditeur, du moment que c’est une audience pertinente, je sais qu’elle est un intentionniste pour cette catégorie de produits. Ça, c’est aussi un secteur qui se développe rapidement.

SD : Si j’ai bien suivi, le retail media apporte une manne de revenus supplémentaire pour les retailers et pour les marques, essentiellement de la visibilité.

TLF : Oui, tout à fait. De la visibilité, mais aussi des ventes qu’elles peuvent mesurer. C’est assez propre au retail media. C’est aussi pour ça qu’il y a un très gros intérêt de la part des marques car elles peuvent mesurer en temps réel l’impact du budget qu’elles dépensent. Forcément, quand l’on est une marque qui passe par des distributeurs ou des marketplaces pour être vendue, il n’est pas toujours possible d’avoir accès à cette vente finale aux consommateurs. Avoir cette information-là, c’est très important parce que les autres médias ne la proposent pas forcément. Quand je fais une campagne TV sur TF1 ou M6, je ne vais pas forcément retrouver en direct l’impact sur les ventes. Quand je fais une campagne vidéo sur YouTube, pas forcément non plus. Lorsque je fais une campagne de search sur Google non plus. Il y a donc forcément cet intérêt de la mesure précise directement liée à un produit mis en avant qui est très intéressant pour les marques.

SD : Pour les consommateurs, qu’est-ce que cela apporte ? Une expérience client facilitée, plus fluide et une meilleure expérience d’achat ?

TLF : Oui, cela permet aussi de découvrir de nouveaux produits, comme il s’agit de sites qui sont, au départ, liés à des algorithmes qui vont montrer les mêmes produits de manière assez classique. La possibilité d’avoir des publicités permet également de faire vivre le magasin, d’avoir de la nouveauté et des produits pertinents par rapport à sa requête. Par exemple, sur la solution CitrusAd, nous permettons d’avoir sur des produits en cross-sell sur des pages produits. Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela signifie que quand j’arrive sur une page produit de smartphone, si je garde cet exemple-là, je vais pouvoir avoir des écouteurs, des coques de téléphone, la montre qui va avec le smartphone, etc. Cela permet d’avoir de l’association de produits pertinente par rapport au produit que je suis en train de regarder. Donc il y a ces côtés de découverte, d’innovation ou encore de promotions qui peuvent être poussés au shopper selon son parcours et selon ce qu’il est en train de rechercher, tout en gardant cette pertinence-là.

SD : Vous avez évoqué plusieurs fois l’importance des données, de pouvoir visualiser tout cela en direct. Comment cela se passe-t-il ? Faut-il passer par une plateforme, des partenaires, des prestataires ou encore des intermédiaires ?

TLF : De notre côté, nous avons une plateforme en libre accès pour les marques qui veulent mettre en avant leurs produits et développer leurs ventes. Elles possèdent un accès pour regarder les résultats de leurs campagnes en temps réel, campagnes à campagnes, produit par produit, mots-clé par mot-clé, etc. Sur la même interface, elles ont aussi la possibilité de créer de nouvelles campagnes ou de les optimiser. Si elles se rendent compte que le produit X fonctionne mieux que le produit Y, elles peuvent investir plus d’argent sur le produit X. C’est un procédé que la plateforme de CitrusAd propose en self-service. Pour le distributeur, c’est la même chose. Ils ont une vue très précise sur tout ce qui se passe sur leur plateforme de retail media. En fait, nous créons des plateformes de retail media au nom du distributeur et c’est lui qui va pouvoir piloter et suivre tout ce qui se passe : valider les campagnes qui sont programmées par ses marques partenaires, avoir tout l’aspect reporting complet du revenu que cela génère pour lui, les emplacements qui sont privilégiés par les annonceurs, etc. Il va avoir une granularité aussi en self-service grâce à la plateforme.

SD : Pouvez-vous nous expliquer en quelques mots le lien entre retail media et first-party data ? L’impact que cela a une fois que les données arrivent chez les marques et les retailers pour la suite du parcours d’achat des clients ? Vous venez un peu de nous l’expliquer, mais peut-être un peu plus peut-être en détail.

TLF : Quand il y a une relation entre un fournisseur et un distributeur, c’est ce dernier qui est en contact avec le client final. Il a donc une connaissance précise, régulière, déterministe, car il sait exactement, grâce au ticket de caisse ou au passage en caisse en ligne ou magasin, qui a acheté quoi et à quel moment. Il peut suivre son évolution. C’est une information, une data que le fournisseur, la marque, l’industriel n’a pas forcément. Pourtant, c’est un moyen d’améliorer son business. Si l’industriel sait comment tel type de shopper achète tel type de produit à tel moment, cela lui permet de mieux comprendre son client et donc d’adapter son produit, sa communication et son marketing de manière très régulière. Quand nous parlons de first-party data du distributeur, c’est justement toute cette base CRM qui peut être mise à disposition des marques par exemple à des fins de connaissance client, et c’est quelque chose qui peut vendre. Il n’y aura pas de vision à l’individu, ce seront juste des données agrégées qui seront partagées et vendues par le distributeur. Une autre possibilité : l’activation, afin de toucher un shopper qu’il soit sur le site du distributeur ou en dehors sur un réseau digital autre. Enfin, mesurer l’impact de sa communication sur les ventes. Il y a ces trois briques-là : la connaissance shopper, l’activation et la mesure, qui sont vraiment des éléments très importants liés à la first-party data du retailer au bénéfice du fournisseur.

SD : J’aimerais maintenant avoir votre avis sur une affirmation. Si je vous dis que le retail media accélère les mutations. Par exemple, les retailers qui se transforment de plus en plus en média, c’est une tendance que nous observons depuis plusieurs mois, si ce n’est plusieurs années. Êtes-vous d’accord pour dire que le retail media accélère tout cela ?

TLF : Oui, tout à fait. C’est une affirmation à laquelle je crois beaucoup pour plusieurs raisons. La première chose, c’est que l’audience des retailers est en forte augmentation ces dernières années. Nous voyons de plus en plus de retailer qui arrivent dans le top 50, voire le top 20 ou le top 10 de Médiamétrie tous les mois, ce qui veut dire qu’ils ont une audience considérable qui arrive sur leur site pour découvrir des produits, se renseigner sur certaines caractéristiques de produits, comparer les prix ou acheter. Forcément, c’est une audience qui a du poids. Comme tout publisher, comme tout éditeur, c’est cette audience-là qui permet d’aller générer des revenus complémentaires qui sont assez différents de ceux du retail classique. Si nous prenons l’exemple de la grande distribution, la marge dans le retail classique est plutôt entre 1 ou 2 %. C’est sur un chiffre d’affaires qui est très important, mais la marge est faible. Le retail media, c’est une marge beaucoup plus élevée. Selon les leviers, ça peut monter jusqu’à 80 à 90 %. C’est donc une échelle complètement différente.

SD : Quand même !

TLF : Oui, parce qu’en fait, un distributeur qui possède de la first-party data et qui a son propre site, quand il souhaite mettre en avant de la publicité et ouvrir cette possibilité à ses fournisseurs ou à des marques partenaires, il a déjà tous les éléments en place, à part la technologie de retail media. Tout l’historique du retailer joue pour lui pour profiter de cette nouvelle manne financière.

SD : Sommes-nous sûrs que le retail media répond aujourd’hui aux attentes des consommateurs qui cherchent des informations ou qui souhaitent faire des achats sur le numérique ? De plus en plus de consommateurs se plaignent du nombre incroyable de publicités qu’ils voient au quotidien sur n’importe quel site et sur de plus en plus d’applications. Cela ne rajoute-t-il pas encore et toujours de la publicité ?

TLF : En fait, elles font partie des publicités les plus appréciées par les consommateurs. Pourquoi ? Car ce sont des publicités très natives et qui sont directement liées à leur recherche, à leur navigation et à leur parcours d’achat. Quand je me balade sur le site de Carrefour et que je cherche des yaourts, si nous poussons un yaourt Yoplait au-dessus d’un yaourt Danone, finalement, nous poussons un produit. Je le vois peut-être un peu plus, mais cela reste un yaourt, et c’est ce que j’ai demandé. Évidemment, il y a une notion de pertinence de l’outil qui est utilisé qui est très importante. Il faut avoir un algorithme de pertinence qui soit très fort, mais qui permet d’avoir une association de la publicité qui soit hyperpertinente par rapport à la requête ou par rapport à la navigation de l’internaute. De la même façon, si je me balade en tant qu’internaute sur le site de Carrefour et que je navigue dans les catégories pour aller sur les produits apéritifs, je ne vais pas me retrouver avec des publicités pour des yaourts, pour de la lessive ou pour du dentifrice. J’aurai toujours des publicités qui vont être adaptées à la recherche que j’ai faite au préalable. C’est pour cela que c’est plutôt bien perçu ou, en tout cas, moins mal perçu. Cela reste de la publicité, nous en sommes conscients, mais cela correspond à la publicité comme si elle était en magasin. Quand un shopper voit une offre mise en avant en magasin, une tête de gondole avec une promotion, une découverte ou un shop in shop si vous vous baladez à la Fnac, chez Boulanger ou ailleurs, ce sont plutôt des espaces de découverte qui sont appréciés parce que cela permet d’en savoir un peu plus, d’aller comparer et de se renseigner sur un produit. C’est pour cela que cela peut être une stratégie un peu profitable pour tous, aussi bien pour le distributeur, pour générer de nouveaux revenus et donc financer aussi sa transformation digitale et pour la marque, pour qu’elle gagne en visibilité et en vente. Pour le shopper aussi : il peut finalement avoir un résultat pertinent par rapport à sa recherche et avoir des informations complémentaires par rapport à ce qu’il cherche.

SD : J’ai bien compris ce que cela apportait au consommateur : cela répond à ses attentes, c’est personnalisé et ciblé… Y a-t-il un inconvénient, un défaut ou quelque chose à améliorer pour le retail media ?

TLF : Certainement. Je pense qu’il y a une notion très importante, qui est de pouvoir bien organiser ce sujet-là aussi bien du côté des distributeurs et de celui des marques pour justement maintenir cette pertinence dans les résultats de recherche, pour ne pas que les sites de distributeurs deviennent un catalogue publicitaire. Ce n’est pas le but. L’objectif est de garder un bon équilibre entre l’expérience utilisateur et cette partie de monétisation et donc de visibilité pour les marques. L’enjeu est là : rester pertinent, tout en ayant la possibilité de générer une nouvelle ligne de revenus. C’est donc cette balance-là qui est importante à garder.

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