Du stockage des données dans le cloud en passant par le Big data, de l’internet des objets à la blockchain, une chose reste sure : nous sommes dans l’ère de l’information. Dans celle-ci, le temps et la transparence représentent des conditions sine qua non de réussite, et ce dans tous les secteurs : la banque, la santé, l’énergie, etc. Ainsi, dans les pays du Nord comme du Sud, la transformation digitale se poursuit en revêtant diverses formes. Dans les pays du nord elle est largement systémique et se traduit par exemple par des programmes de transformation majeurs au sein des entreprises privées et publiques qui consistent à mettre en application de nouveaux modes de travail plus agiles et des solutions collaboratives alors que dans les pays du Sud, elle est plus parcellaire. Car la réalité socioéconomique dans ces pays pousse les innovateurs à s’orienter d’abord vers des solutions permettant de couvrir des besoins vitaux (électrification, agriculture, fourniture en eau potable, etc.) avant de mettre en avant des solutions et produits avant-gardistes souvent écologiques et technologiques[1]. Quoi qu’il en soit, la transformation digitale est en marche partout dans le monde, mais, vu les différentes formes qu’elle peut prendre, accompagner les utilisateurs vers celle-ci nécessite d’abord et avant tout de s’imprégner du contexte.
Un phénomène particulièrement mouvant, aussi vivant que fugace
Parler de la transformation digitale dans le contexte africain c’est essayer de trouver des mots pour décrire un phénomène particulièrement mouvant, aussi vivant que fugace. La montée en puissance du e-commerce et du e-paiement en Afrique de l’Ouest ainsi que la multiplication des start-ups et l’influence des blogueurs sont assez évocatrices en ce sens. Cependant, la recrudescence des délits sur les réseaux sociaux montre bien qu’il y a un manque certain d’accompagnement des utilisateurs, manque qu’il convient de combler rapidement afin de pouvoir tirer profit de cette dynamique de transformation digitale.
Au Sénégal, un pays où en 2016, 97 % des internautes étaient des mobinautes et où l’âge médian de la population est de 18 ans, mais que seule près de la moitié de la population est alphabétisée, la transformation digitale se poursuit, mais ne cesse d’être une nébuleuse. En effet, lorsque l’on parle de transformation digitale au Sénégal, ce qui vient de suite à l’esprit c’est l’écosystème entrepreneurial qui gagne en force et en maturité. Les incubateurs et initiatives d’accompagnement se multiplient. Même si les ressources technologiques ne sont pas toujours présentes, la matière grise des entrepreneurs fait rêver les investisseurs. Ceci d’autant plus que cette révolution numérique s’accompagne d’efforts en matière de parité : les femmes comme les hommes se saisissent de la question du numérique.
La transformation digitale : des freins culturels et organisationnels
Cependant, au niveau des administrations et des entreprises privées, la transformation digitale peine à s’installer. En effet, la quasi-totalité des offres et des demandes provenant d’entreprises privées et publiques dans le secteur IT concerne la mise en place d’infrastructures en omettant l’accompagnement humain. Les prestations de service des grands cabinets de conseil implantés au Sénégal sont assez évocatrices en ce sens : quand elles ne concernent pas l’IT, elles portent majoritairement sur les prestations en audit, en ressources humaines et stratégie (notamment quand le projet est porté par l’État).
Alors que dans le secteur de l’IT, les projets portent globalement sur l’infrastructure. L’accent est mis sur l’outil alors qu’une analyse même superficielle montre que les freins réels au sein des entreprises sénégalaises sont organisationnels et culturels. Au sein des administrations étatiques, des entreprises publiques, le problème porte rarement sur la mise en place de moyens informatiques, mais il relève surtout d’un manque criant de vision et de stratégie. Ces difficultés se retrouvent aussi au sein de la population d’entrepreneurs qui se heurtent souvent à des No-go tout simplement parce que la solution qu’ils proposent bouleverse les rites, les habitudes et quelquefois inversent les rapports de pouvoir.
Des initiatives pour mettre en place une application pouvant réserver un créneau chez le médecin pour une consultation à titre d’exemple ont échoué parce que le corps médical s’y refusait. D’autres initiatives ayant pour objectif de permettre d’utiliser le wifi public dans les moyens de transport ont aussi échoué parce que les équipes de ces sociétés de transport n’étaient ni sensibilisées ni acquises à la cause. En réalité, la liste est longue, mais il est connu que seules les success-stories sont dévoilées.
Travailler sur la transformation digitale c’est avant tout travailler sur des usages et il n’est pas concevable de travailler sur les usages en oubliant d’inclure les hommes.
Les initiatives concernant le digital sont nombreuses au Sénégal et sont à encourager massivement, mais surtout elles doivent être accompagnées. En effet, il est nécessaire de rappeler qu’avant de bâtir une Sillicon Valley Africaine, il faut d’abord permettre à des « Steve Jobs » et à des « Marc Zuckerberg » Africains d’émerger. Cela passe nécessairement par un véritable projet d’accompagnement.
La révolution digitale au Sénégal sera d’abord culturelle et organisationnelle ou ne sera pas !
Aminata Ly
Spécialiste de la conduite du changement et notamment de l’accompagnement de projets de transformation digitale,
Jeune Sénégalaise curieuse de nature et avec un esprit d‘analyse développé. Elle a suivi tout un cursus en sociologie avant de se spécialiser. Passionnée par le conseil en organisation, domaine auquel elle a consacré sa dernière année d’étude, Amina se définit comme étant une corporate hacker: Innovation et excellence opérationnelle sont ses maîtres-mots. Patriote émérite, la jeune Sénégalaise est impliquée dans plusieurs projets au Sénégal. Récemment elle a rejoint l’Association Citoyens Numériques afin de mettre son expertise au service de ses concitoyens.