Nous vous proposons cette excellente contribution de RFI
À sa demande, le patron du réseau chinois TikTok a été reçu, mardi 10 janvier, à la Commission de Bruxelles pour mieux connaître toutes les exigences réglementaires des 27. A-t-il de bonnes raisons de redouter les foudres des autorités européennes ?
Comme les géants américains de l’internet, TikTok est effectivement surveillé de près par Bruxelles. L’application fait actuellement l’objet de deux enquêtes en Europe. L’une porte sur une éventuelle infraction au règlement sur la protection de la vie privée de l’enfant, l’autre sur un transfert litigieux des données personnelles des utilisateurs vers la Chine. Ces deux procédures exposent la filiale du groupe internet chinois ByteDance à des amendes salées. Cette application, hyper populaire parmi les jeunes, est par ailleurs de plus en plus décriée, surtout en Allemagne et en France, pour la mauvaise influence qu’elle exerce sur ce public fragile.
TikTok veut à tout prix éviter de subir en Europe le rejet qu’il suscite actuellement aux États-Unis
Mike Gallagher, un élu républicain, demande carrément son interdiction ou bien son rachat par un groupe américain. Son usage dans l’administration a été banni dans une vingtaine d’États américains et il est désormais proscrit dans l’administration fédérale. On imagine mal des mesures aussi drastiques sur le Vieux Continent. D’abord, il n’y a pas de compte officiel TikTok au niveau des institutions de Bruxelles. Ensuite, l’application est courante, y compris chez les plus critiques. Le président Macron accuse le réseau de rendre les ados dépendants et en même temps il a lui-même un compte TikTok où il diffuse des vidéos de son activité de chef d’État. Les Européens avaient hier plusieurs messages à faire passer : d’abord sur la protection des données, un principe sacré et très encadré en Europe. Ensuite sur les contenus déviants – les discours haineux, l’apologie du terrorisme, la pédopornographie. Les quatre commissaires sollicités ont insisté sur ces points précis en rappelant à leur hôte les trois règlements européens que le réseau doit respecter, celui sur le marché numérique entre en vigueur au printemps.
Que ce soit en Europe ou aux États-Unis, faut-il avoir peur de TikTok ?
Sa nationalité chinoise le rend naturellement suspect aux yeux des Américains et des Européens. TikTok a reconnu avoir espionné des journalistes occidentaux ; par ailleurs, ses règles de modération sont à géométrie variable. Beaucoup de fausses informations circulent sans entrave sur le réseau. En revanche, des contenus sur la défense des Ouïghours opprimés par le pouvoir chinois ont été rapidement censurés. TikTok inquiète, parce que son succès est phénoménal. Il fait partie des cinq réseaux les plus populaires au monde. Avec à ce jour un milliard d’abonnés hors de Chine, le quart d’entre eux sont en Europe. Du point de vue américain, TikTok est le cheval de Troie de la Chine, sur le point de devenir, selon Mike Gallagher, « le groupe de médias le plus puissant des États-Unis ».
Son chiffre d’affaires était de 10 milliards de dollars en 2022
L’ancêtre, Facebook, la principale activité du groupe Meta, pèse sept fois plus. TikTok a donc encore du chemin à parcourir avant de rattraper les géants américains, mais sa croissance fulgurante en fait un puissant vecteur. Les tendances se répandent comme une traînée de poudre sur ce réseau et les grandes marques commencent à délaisser les vieux réseaux pour acheter de plus en plus de publicité sur TikTok. Elle y est moins chère et engendre plus de connexions directes, plus de clics, que sur les autres réseaux. Leurs achats se sont envolés au quatrième trimestre 2022. Les revenus issus de la pub devraient progresser de 36% cette année pour l’appli chinoise, contre 3% à 5% seulement pour Google ou Meta.